ULM 3- AXES
Au Cambodge, on en rêve !

Les progrès techniques accomplis en aéronautique ont permis de mettre sur le marché des appareils qui, tout en appartenant de justesse à la catégorie ULM, offrent certaines performances comparables à celles des avions légers, mais à bien meilleur marché. Et surtout, il y en a qui décollent et se posent extrêmement court...

       Aux Etats-Unis plus qu'en Europe, on peut trouver d'occasion des appareils de la classe "avion léger" de deux à six places pour 20000 dollars environ; voilà pour le coût d'acquisition. Mais là où le portefeuille des utilisateurs commence souvent à crier grâce, c'est lorsqu'on évalue le coût d'exploitation: coût du passage et d'entretien d'une licence de pilote privé, frais de parking, frais d'inspections techniques obligatoires, assurances, carburant, etc.

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        Avec le développement presque incroyable de l'aviation ultra-légère, surtout aux Etats-Unis, le marché offre aujourd'hui des ULM dans la catégorie "3-axes" - c'est à dire pilotés avec manche et palonniers, comme un avion - qui présentent des avantages et performances en certains points comparables à ceux des avions considérés comme tels au sens légal du terme. Le nombre de places est néanmoins légalement limité à deux et la masse maximale autorisée au décollage varie, selon les pays, entre 450 et 550 kg, avec la prochaine adoption de la norme 600 kg aux USA.

        C'est surtout lorsqu'on examine ses avantages financiers que l'ULM 3-axes apparaît très attrayant: licence de pilotage relativement bon marché (environ 1000 dollars), valable à vie, plus rapide et plus aisée à obtenir; coût plus raisonnable pour les assurances; moteur peu gourmand en carburant auto, aisé à entretenir et non soumis à une coûteuse inspection légale; légèreté de la masse à vide facilitant le parking et le transport par route; longueur de piste nécessaire (très) inférieure à celle des avions, etc. Bref, voilà un moyen de transport aérien à la portée des petits budgets. Enfin, tout est relatif car il faut quand même compter de 35.000 à 45.000 US dollars pour avoir une très bonne machine clé en main, équipée de certains accessoires indispensables pour le "vol de brousse" et d'un bon moteur quatre cylindres quatre temps d'au moins 80 cv.

Voler au paradis...

        Peut-être avez-vous vu le film "Air America", tourné avec Mel Gibson en décembre 1989 à Mae Hong Son puis Mae Sariang et leurs environs pour représenter le théâtre d'opérations laotien, en 1975. Si oui, vous avez sûrement eu le souffle coupé en voyant ce que les pilotes de la CIA parvenaient à faire avec leurs Pilatus PC-6 Turbo Porter. L'impératif incontournable pour voler en sécurité dans les pays d'Asie du Sud-Est est en effet de disposer d'une machine à décollage et atterrissage courts (STOL, en anglais: Short Take-Off and Landing). Nous rectifions: très courts! En effet, beaucoup de régions, surtout dans l'ex-Indochine, ne sont couvertes que de rizières, de broussaille, de collines ou montagnes et de
forêts, avec très peu ou pas de routes et pistes où poser un appareil en cas d'urgence, voire simplement pour le plaisir ou la nécessité d'une halte. Il est de surcroît recommandé d'avoir un bon GPS pour la navigation si l'on veut s'éloigner des grands axes routiers.

        Il n'y a pour ainsi dire pas de trafic aérien au-dessus de la majorité du territoire cambodgien, hormis les quelques vols domestiques civils, ainsi que l'un ou l'autre vol des quelques hélicoptères militaires ou appartenant au milliardaire Teng Bounma et mis à la disposition de la Défense nationale. On n'est donc pas obligé de recourir sans cesse à la radio pour se signaler. L'altitude moyenne à laquelle volent en général les ULM et avions légers est de 1.500 pieds (500 mètres), altitude communément admise pour apprécier vraiment le paysage survolé.

"Flying Doctors", surveillance des parcs nationaux dans les airs

        ulm2.jpg (9727 bytes)Dès juillet 1995, le Dr Dy Narong Rith, secrétaire d'Etat au ministère de la Santé, avait exprimé son enthousiasme à la perspective de voir son ministère équipé d'ULM 3-axes. Modifiés sur demande par leurs concepteurs-constructeurs, il existe quelques modèles qui résoudraient bien des problèmes de communication et d'évacuation sanitaire entre les villes et les villages les plus reculés du pays, ceci à un coût peu élevé. Comme les "Flying Doctors" en Australie, des médecins-pilotes pourraient effectuer rapidement plusieurs missions par jour entre des villages actuellement éprouvants à gagner en jeep. Au ministère de l'Environnement, le sous-secrétaire d'Etat Sabou Bacha avait également exprimé son intérêt pour l'emploi de deux ou trois ULM 3-axes dans les opérations très nécessaires de surveillance des parcs nationaux, où bûcherons acharnés et braconniers abondent au mépris de la loi.

        Il reste à trouver des financements publics ou de généreux donateurs pour se procurer quelques merveilleuses petites "jeeps volantes". Des ONG, confrontées à de nombreux et parfois gros problèmes de déplacement dans le pays, ont également jeté un oeil gourmand vers ce moyen de transport qui offre l'intérêt de voir pilote et responsable de mission ne faire qu'un, avec l'économie salariale que cela représente par rapport au recours au Cessna 206 de MAF (Mission Aviation Fellowship) piloté par ce "crack" expérimenté de Winston Ussher.

        En 1997, après la mise à l'écart très controversée de CAS (Cambodian Air Services), la création de Royal Air Service (RAS) dans le cadre de Royal Air Cambodge fut un "flop" magistral ! L'hélicoptère Ecureuil australien, amené du Laos à la demande du prince Norodom Ranariddh, n'a été autorisé à voler qu'une ou deux fois avant d'être cloué au sol puis de devoir retourner d'où il venait.

Cinquante ans après le Morane MS-500  "Criquet"

        Le biplace le plus stupéfiant et le seul à pouvoir se poser à peu près n'importe où au Cambodge est le fabuleux "Criquet", appareil allemand d'observation et de liaison conçu en 1936. Cet avion, jamais égalé depuis lors dans ses performances d'atterrissage et décollage ultra-courts, a été utilisé par l'armée française pendant la guerre d'Indochine.

        Dès le milieu des années 50, les armées du Sud-Vietnam, du Laos et du Cambodge en ont hérité, à leur plus grande satisfaction. Ils ont continué à servir pour les liaisons, l'observation et l'évacuation sanitaire, exactement ce à quoi se prêteraient aussi bien les versions ULM aujourd'hui construites. Haut-perché sur son train d'atterrissage et grâce à ses grandes ailes, le "Storch/Criquet" peut décoller ou se poser en... 20 mètres seulement! Et même moins si l'on bénéficie d'un vent de face. Hallucinant! Alors, quarante-cinq ans après la guerre d'Indochine, reverra-t-on des "Criquet" dans le ciel cambodgien?

       ulm3.jpg (10552 bytes) Il faudrait une raisonnable évolution de la réglementation sur la propriété et la liberté d'emploi de ce type d'appareil pour favoriser l'essor d'une aviation très légère et bon marché dont le Cambodge - comme le Laos et le Vietnam - a grand besoin pour résoudre ses problèmes de communication avec les zones les plus reculées du territoire national. Avec l'open sky policy ordonnée par le Second Premier Ministre Hun Sen, la présence d'un expert comme Mr Measketh Caimirane, président de l'Aéroclub khmer avant 1975 et actuellement sous-secrétaire d'Etat au ministère des Travaux publics et des Transports, ainsi que de Mr Keo Saphal, directeur général de l'Aviation civile, l'espoir de revoir les beaux jours d'avant 1975 n'est pas irréaliste!

A quand le Cambodian Chapter de l'EAA?

        L'EAA (prononcez "i-é-é"), c'est la plus grande association aéronautique du monde! Fondée aux Etats-Unis il y a quelque trente ans, elle rassemble les passionnés d'aviation, avec une prédilection pour les possesseurs d'appareils classés  "expérimental" car construits au moins à 51% par l'acheteur, ce qui les distingue des appareils "d'usine" ou "de série". Chaque année, pendant une semaine à cheval sur la fin juillet et le début août, l'EAA organise à Oshkosh (Wisconsin) le plus grand rassemblement d'avions, d'hélicoptères et d'ULM au monde: plus de 2.500 machines et 800.000 personnes y évoluent dans un mouvement impensable en dehors de l'Amérique.

        En 1995 et 1996, nous étions malheureusement seuls à représenter le Cambodge. En 1997, le royaume khmer n'y comptait pas de représentant. Mais quelques passionnés d'aviation se sont déjà réunis plusieurs fois à Phnom Penh avec le projet de créer le Cambodian Chapter de l'EAA, avec l'aval dynamique du général-prince Norodom Vatvani, commandant la Force Aérienne Royale Cambodgienne.

        Parmi les enthousiastes figurait naturellement Jean-Michel Khao, créateur (avec Ken Merlet et d'autres pilotes ULM) d'Angkor'Aile, déjà présenté dans Gavroche. Comme tant d'autres projets au Cambodge, le projet évolue au rythme d'un char à boeufs mais n'est pas enterré! Avec Dominique Causse (Conseiller économique et commercial près l'ambassade de France), Jo Piazza d'Olmo, Jean-Luc et Joëlle Legay, Jean-Yves Catry et d'autres, nous y veillons! Des pilotes cambodgiens brevetés en France ou en Amérique du nord et disséminés dans l'administration et le secteur privé sont prêts à nous emboîter le pas...

        Ah, si nous pouvions reconstituer l'ancien Aéroclub khmer d'avant 1975! Le Cambodge alignait alors beaucoup d'avions civils: non seulement des particuliers étaient autorisés à posséder un appareil, mais également les sociétés industrielles et plantations pour leurs besoins professionnels, sans compter les multiples petites compagnies aériennes parfaitement autorisées à opérer en dehors de Royal Air Cambodge. L'Aéroclub khmer alignait quelques monomoteurs. En 1996, le projet de créer un aéroclub au sein de Royal Air Cambodge avait été élaboré par le prince Norodom Ranariddh mais n'a malheureusement pas atteint le stade de la concrétisation. Mais nous n'abandonnons pas l'espoir d'amener des "Criquet" dans le ciel du Cambodge...

Photos: ©Alain Henry de Frahan